Uvesterol D

UVESTEROL D et mort d’un nourrisson : le point de vue du Pédiatre

Après la mort dramatique,le 21 décembre 2016, d'un bébé de dix jours après administration d'une dose d'UVESTEROL D ®, l'UVESTEROL D ® fait l'objet d'une suspension et sème le discrédit sur le bien-fondé de la supplémentation en vitamine D. Retrouvez dans cet article, les faits, le point de vue du pédiatre et les mesures à prendre pour remplacer l'UVESTEROL D ®.

 Les faits

Un bébé de dix jours est décédé le 21 décembre à son domicile. Deux heures après sa tétée, il reçoit une dose d'UVESTEROL D ®. Immédiatement après, il présente des signes de suffocation et fait  un arrêt cardio-respiratoire avant d'être transporté sur l'Hôpital.

Le 22 décembre l'agence du médicament (ANSM) est informée. Les centres de pharmacovigilance, en charge de veiller aux effets secondaires des médicaments, ne sont alertés que le 30 décembre. Une enquête est lancée. Les données publiées en janvier sont contradictoires, certaines précisants que les recommandations concernant  l'administration du médicament ont été respectées et d'autres que les parents ne lisant, ni ne parlant français n'ont pu consulter la notice !!!

Un premier article sort le 2 janvier sur le FIGARO puis LE MONDE relayé très vite par les autres médias.

L'UVESTEROL D ® est déjà sous surveillance depuis 2006, non pas en raison de sa composition, mais du fait de malaises signalés lors de son administration chez des bébés de moins de 2 mois. On a ainsi décrit des fausses routes (lorsque le bébé avale de travers) ou des malaises vagaux (malaises avec pâleur lorsque la pipette est introduite trop profondément). L'UVESTEROL D ® est un médicament à base de vitamine D, vitamine indispensable au bon développement de l'enfant.

Depuis 2006, il faut chez le prématuré administrer la vitamine diluée dans une tétine, en position semi-assise; quant à la pipette doseuse utilisée pour les bébés plus âgés ou nés à terme, elle a été modifiée : au lieu d’un trou, elle dispose de quatre ouvertures latérales.

D’autres cas de malaises sont malgré tout enregistrés. De 2006 à avril 2013, un total de 93 cas d’effets secondaires ont été enregistrés : des malaises, des gênes respiratoires,  une perte de conscience, lors de l'administration d'UVESTEROL D ®.

De nouvelles formules et présentations d’UVESTEROL D ® avaient été mises à disposition par les laboratoires Crinex en novembre 2014, en réponse aux demandes de l’ANSM, notamment en diminuant le volume à administrer en augmentant la concentration de la solution et en modifiant en conséquence les pipettes graduées.

UVESTEROL D et administrationUne fiche technique a été éditée afin d'être remise aux parents lors de la délivrance du médicament en maternité : voir la fiche .

La Commission nationale de pharmacovigilance (CNPV) a de nouveau examiné le dossier en juillet 2016, mais le compte rendu de cette réunion n’a toujours pas été rendu public, le 4 janvier 2017.

Le 4 janvier 2017, Mme Marisol TOURAINE demande la suspension de la commercialisation de l’UVESTEROL D ®. L' agence du médicament, l'ANSM ne suspend en fait le médicament que le 6 janvier 2017 (Ce communiqué de l'ANSM n'est plus disponible ce jour) !

Depuis plus aucunes nouvelles sur les conclusions de l'enquête sur ce décès.

 A quoi sert la vitamine D ?

La vitamine intervient dans l'absorption du calcium et du phosphore ainsi que sur la fixation du calcium sur les os (la minéralisation). Elle est indispensable à la croissance durant la petite enfance.  Elle assure la robustesse du squelette humain et prévient l'ostéoporose.

La carence en vitamine D peut être à l'origine d'une maladie, le rachitisme qui se caractérise par des déformations osseuses, un retard de croissance et du développement moteur.

Chez l'adulte, elle peut être responsable d'une ostéomalacie liée à un défaut de minéralisation osseuse, qui entraîne des douleurs musculaires.

Une carence en vitamine D augmente le risque de fracture (en raison d'une ostéoporose) et serait associée à un risque plus important de maladies cardiovasculaires. La carence en vita­mine D majore le risque de diabète de type I et II, de scléroses en plaque, de polyar­thrite rhumatoïde, et d'au moins 15 cancers différents (cancer du sein, des ovaires, de la prostate, du poumon, colorec­tal…). Si ces données épidémiologiques sont difficilement discutables, les raisons de cet impact de la carence en vita­mine D restent à déterminer.

La vitamine D semble agir sur le système immunitaire. Elle aurait également un rôle protecteur vis-à-vis des allergies.  Elle se comporte plus comme une hormone que comme une simple vitamine.

 Y-a-t-il d'autres sources de vitamine D ?

L’essentiel des apports en vitamine D provient des rayons du soleil. Cette source est cependant très variable selon l’exposition (saisons, brouillard, pollution, région, habillement), l’épaisseur et la pigmentation de la peau.

Chez l'enfant jusqu'à 18 mois, l'exposition solaire, même en été, ne permet pas un apport suffisant en vitamine D. Après l'âge de 18 mois, il est préconisé de maintenir un apport en vitamine D pendant les mois d'hiver jusqu'à la fin de la croissance.

Malheureusement, les sources alimentaires de vitamine D sont peu nombreuses. On la retrouve surtout en grande quantité dans les poissons gras comme le saumon, le hareng ou le thon et les huiles de poisson. La bonne vieille "huile de foie de morue" était un moyen d'apporter de la vitamine D auparavant. L'huile de foie de morue est donc le précurseur de l'UVESTEROL D ® et des autres sources médicamenteuses de vitamine D.

On en retrouve également dans le jaune d'œuf, le lait, le beurre et le foie mais dans une moindre mesure. Notre alimentation occidentale courante apporte moins de 10 % de nos besoins en vitamine D.

Les laits pour nourrisson (1er, 2° et 3° âge) sont supplémentés en vitamine D mais pas en quantité suffisante pour couvrir tous les besoins en vitamine D.

Le lait maternel contient très peu de vitamine D3, de 20 à 70 UI/l. Il est donc important de donner des suppléments en vitamine D pour la mère allaitante et pour son bébé.

Il est indispensable de donner un supplément en vitamine D pendant toute la croissance surtout pendant les périodes de forte croissance que sont les 5 premières années et l'adolescence. On parle même actuellement de prolonger cette supplémentation à l'âge adulte et des compléments en vitamine D sont de plus en plus donnés chez les personnes âgées.

Quatre médicaments commercialisés en France sont indiqués pour la prévention et/ou le traitement des carences en vitamine D chez le nouveau-né :

  • l'UVESTEROL D® qui fournit 1 000 UI de vitamine D2 pour 1 dose n°1 et 800 UI pour une dose n°L,
  • le ZYMA D® qui apporte 300 UI  par goutte de vitamine D3 soit un apport recommandé de 3 à 5 gouttes par jour
  • le STEROGYL® qui fournit 400 UI de vitamine D2 par goutte : 1 à 5 gouttes par jour
  • l'ADRIGYL® qui apporte 333 UI de vitamine D3 par goutte : 2 à 5 gouttes par jour.

L'UVESTEROL ADEC® apporte également de la vitamine A, E et C. Le ZYMA DUO® et le FLUOSTEROL® apportent en plus des compléments de fluor.

 Mon enfant avait de l'UVESTEROL D® . Par quoi dois-je le remplacer ?

Devant la suspension de commercialisation de l'UVESTEROL, je vous recommande :

Si vous avez encore des flacons d’UVESTEROL D chez vous :

Comme seule l'administration par pipette est mise en cause, vous pouvez continuer à donner à votre bébé l'UVESTEROL D ®. Il suffit pour cela de mettre la dose recommandée que vous prélèverez à l'aide de la pipette fournie, dans une sucette à médicament, une tétine ou une cuillère pour la proposer à votre bébé.

 Par précaution, n'utilisez plus la pipette pour administrer l'UVESTEROL D® à votre bébé, surtout s'il a moins de 6 mois.

Si vous n'avez plus de flacon d'UVESTEROL D ® :

Apports recommandés en vitamine D :

    • Les apports recommandés en vitamine D par la Société Française de Pédiatrie8 sont  :
    • Si votre bébé est allaité ou à un lait non enrichi en vitamine D : 1000 à 1200 UI/j, selon s'il a une peau claire ou foncée.

Remplacez la dose n° I d'UVESTEROL D ® par 4 gouttes de ZYMA D® ou 3 gouttes de STEROGYL® et la dose n° II par 5 gouttes de ZYMA D® ou 4 gouttes de STEROGYL®

    • Si votre bébé a un lait pour nourrisson, enfant en bas âge ou un lait de croissance (lait 1er, 2° et 3° âge)  enrichi en vitamine D : 600 à 800 UI/j, (jusqu'à  1000 UI/j pour certains s'il a une peau foncée).

Remplacez la dose n° L d'UVESTEROL D ® par 3 gouttes de ZYMA D® ou 2 gouttes de STEROGYL®  et la dose n° I par 4 gouttes de ZYMA D® ou 2 gouttes de STEROGYL®

    • Vous pouvez également utilisé de l'ADRIGYL® :
      3 à 4 gouttes par jour chez le prématuré
      De 0 à 24 mois : en cas de lait enrichi en vitamine D : 2 gouttes par jour.
      Sans lait enrichi en vitamine D : 4 gouttes par jour.
  • En cas de  peau pigmentée, donnez 7 gouttes par jour d'ADRIGYL® ou 8 gouttes par jour de ZYMA D®.
Seuls ces 3 médicaments, le ZYMADUO 150 UI et 300 UI, qui contiennent en plus du fluor sont proposés comme alternative thérapeutique5.
[uix_icons size='14' units='px' color='#197f43' name='flaticon-warning'] Ne mettez pas les gouttes directement dans la bouche, mais dans une tétine ou une cuillère pour éviter tout risque de malaise.
Le STEROGYL® contient de l'alcool éthylique comme excipient. Il ne doit pas être donné pur, mais dilué dans de l'eau ou du lait.
L'ERGY D® est un autre complément alimentaire à base de vitamine D3. Il n'a cependant pas été évalué pour la supplémentation en vitamine D du nourrisson. La posologie de 1 goutte par jour soit 200 UI de vitamine D3 est insuffisante pour couvrir les besoins en vitamine D du nouveau-né. Des études sont nécessaires pour qu'il puisse être utilisé chez le nouveau-né.

Votre enfant avait de l'UVESTEROL ADEC®

UVESTEROL ADEC
Les enfants prématurés et certains enfants avec des pathologies particulières peuvent avoir besoin d'UVESTEROL ADEC® qui contient de la vitamine D mais également des vitamines A, E et C. Ce médicament s'administre également avec une pipette. Chez le prématuré, il est déjà recommandé de ne pas donner la dose directement avec la pipette. Il faut la diluer avec 2 ml de lait et la mettre dans une tétine (voir la fiche technique), une sucette ou un petit biberon pour médicaments.

L'UVESTEROL ADEC® reste commercialisé. Il est toujours utilisé dans les services de Néonatalogie.  Sa délivrance se fera à priori uniquement dans les pharmacies hospitalières.

A partir de 12-18 mois :

Vous pouvez remplacer l'administration de doses journalières par des doses plus importantes tous les 2 à 3 mois selon le produit :

UVEDOSE® 100.000 UI/2 ml: 1 dose tous les 3 mois

ZYMAD® 80.000 UI : 1 dose tous les 2 mois

Le ZYMAD® 200.000 UI n'est pas recommandé chez les jeunes enfants. Il est préférable d'administrer des doses moins importantes de façon plus régulière.

Pourquoi a-t-on besoin de vitamine D ?

Certains parents me demandent pourquoi nous avons besoin maintenant de vitamine D. Comment faisaient nos ancêtres ? Tout d'abord, nos grands-parents n'ont peut être pas eu de médicaments à base de vitamine D mais ils avaient, et ils s'en souviennent probablement encore, une supplémentation en vitamine D grâce à la bonne vielle huile de foie de morue !

Par ailleurs, rappelons que notre espérance de vie a fortement augmenté avec un risque plus élevé d'ostéoporose avec l'âge. De même, nous ne vivons plus en extérieur, comme à la bonne vieille époque de l'homme de Cro-Magnon, et notre air bien souvent saturé par la pollution environnante laisse moins filtrer les rayonnements solaires.

 Le ras-le-bol du Pédiatre

Travaillant en pédiatrie libérale, mais également en Hôpital Public, j'ai été ulcérée en découvrant, le mercredi 4 janvier, des poubelles remplies de flacons d'UVESTEROL D ® à l'Hôpital  !! Comment Mme Marisol TOURAINE qui veut soit disant réduire la DETTE de la sécurité sociale peut-elle obliger les hôpitaux, les pharmacies et les familles à jeter des "milliers" de flacons, selon ses propos, sans aucun argument sur la toxicité du médicament . D'autant qu'elle risque de mettre en difficulté une petite entreprise française de 27 salariés, le laboratoire CRINEX,  et d'entrainer une rupture des stocks de vitamine D en officine.

Mme TOURAINE l'a bien dit : ce n'est pas le médicament qui est mis en cause, mais la pipette qui sert à administrer ce médicament . Alors, pourquoi suspendre la commercialisation de ce médicament, semant ainsi, au passage, le doute sur le bien-fondé de l'administration de vitamine D ?  Il me semble qu'il aurait été plus judicieux de diffuser une campagne d'information visant à interdire l'utilisation de la pipette pour les nourrissons tant qu'une autre alternative n'aura pas été proposée par le laboratoire CRINEX.

Dernière question : la vitamine K1 est une vitamine également indispensable chez le nouveau-né allaité. Elle est aussi administrée grâce à une pipette de 0,20 ml soit une quantité équivalente à la dose n° I d'UVESTEROL D ®. Doit on interdire sa commercialisation ? Sa composition et sa viscosité sont-elles si différentes de l' UVESTEROL D ® pour permettre son administration sans risque ? Doit-on interdire d'autres médicaments administrés par pipette chez le nourrisson ?

Je conseille aux parents de bien respecter les consignes pour l'administration de médicaments à l'aide de pipette.

Sources :

  1. Anne Jouan, Un nourrisson décède après la prise de vitamine D, Le Figaro, publié le 02/01/2017.
  2. Paul Benkimoun, Un nourrisson est mort après une prise de vitamine D, Le Monde, publié le 02/01/2017.
  3. La Leche League France, Dossiers de l'allaitement 80 : Redécouverte de l’importance de la vitamine D, Juillet – Août – Septembre 2009.
  4. Fiche Eureka Santé sur l'UVESTEROL D [consultée le 4 janvier 2017]
  5. David Paitraud, UVESTEROL D : suspension de commercialisation imminente et recommandations de substitution, vidal.fr [consulté le 6 janvier 2017]
  6. Communiqué du 06/01/17 de l'ANSM sur la suspension de commercialisation d’Uvestérol D (Ce communiqué n'est plus disponible depuis février 2017).
  7. Beuzit C. et coll., Prévalence du déficit en vitamine D chez les enfants âgés de 5 à 10 ans en Bretagne Occidentale, Archives de Pédiatrie 2015;22, p 1112-118.
  8. Vidailhet M. et coll., La vitamine D : une vitamine toujours d'actualités chez l'enfant et l'adolescent. Mise au point par le Comité de Nutrition de la Société Française de pédiatrie. Archives de Pédiatrie 2012; 19, p316-328.

Auteur :
Dr Rondeleux EmmanuelleDr Emmanuelle RONDELEUX
Pédiatre, Allergologue, Homéopathe

Date de publication : 4 janvier 2017
Dernière révision de l'article : 3 mars 2017

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